Canada Haitians, Freedom Convoy soup joumou
Truckers protesting in Ottawa in early February prompted the declaration of a state of emergency. Photograph: Anadolu Agency/Getty Images via The Guardian

Le fort sentiment anti-vaccin a porté certains concitoyens haïtiens à Ottawa à s’associer au Convoi de la liberté (Freedom Convoy 2022) et à distribuer de la «soup joumou» aux camionneurs. Un beau geste pour réchauffer le cœur et le corps de ces derniers face à l’hiver glacial canadien. La question demeure est-ce que c’est un geste bien avisé ?

Le sentiment anti-vaccin COVID-19 chez les groupes ethniques et le Convoi de la liberté

Le sentiment anti-vaccin COVID-19 a tendance à être plus élevé chez les minorités ethniques au Canada et aux États-Unis, et ceci pour diverses raisons : historique, culturelle, religieuse, informationnelle (désinformation, mésinformation et malinformation). Dans une rubrique précédente, Haitian Times a tenté de fournir des pistes pour enrayer ce sentiment anti-vaccin. Ce dernier est tellement fort qu’il a porté certains concitoyens haïtiens à Ottawa à s’associer au Convoi de la liberté et à distribuer de la «soup joumou» aux camionneurs en signe de solidarité. 

Rappelons que Le Convoi de la liberté fut un mouvement de protestation contre l’obligation vaccinale anti-Covid-19, imposée aux personnes entrant au Canada par voie terrestre. Il se composait de convois de camions et de divers véhicules qui traversaient chaque province canadienne et se rejoignaient au centre-ville d’Ottawa dans les rues autour du Parlement fédéral. Par la suite, les revendications contre l’obligation vaccinale s’étendaient à la levée de toutes les mesures sanitaires.

Divers manifestants demandaient la démission de Justin Trudeau, premier ministre du Canada. Ce mouvement avait duré trois semaines continues ; soit du 28 janvier au 18 février 2022 et était devenue une occupation. Il avait réussi à collecter environ 20 millions $ à travers ses deux campagnes sur les plateformes Gofundme et GiveSendGo. Environ la moitié de ces montants provenaient des États-Unis, des groupes d’extrême-droite.

S’agit-il fondamentalement de sentiment anti-vaccin chez ces suprématistes ?

Bien qu’une bonne partie des manifestants et surement la totalité de ceux d’origine ethnique, soient motivés strictement par le sentiment anti-vaccin, personne ne peut nier l’influence explicite ou sous-jacente des groupes comme la Meute, les Farfadaas et d’autres suprémacistes qui arboraient les drapeaux nazi et confédérés, qui criaient MAGA (Make America Great Again) et qui finançaient majoritairement ce mouvement.

D’ailleurs, je doute qu’un groupe quiconque avec strictement un mandat anti-vaccin COVID-19 puisse collecter 20 millions $ en trois semaines à peine. Ces groupes d’extrême-droite ont profité de l’intensité élevée du sentiment anti-vaccin de certains citoyens en général et de certains membres de la communauté ethnique en particulier pour donner plus de voix à leur mouvement anti-vaccin. Cependant, il ne faut jamais perdre de vue que le mouvement de ces suprémacistes blancs est avant tout et fondamentalement anti-immigrant, xénophobe et oppressif surtout envers les noirs. 

Une fois la pandémie passée, ils reviendront à ce qu’ils faisaient de mieux : l’oppression des groupes ethniques, la lutte anti-immigration et la haine contre les minorités.  Pour citer un concitoyen « une fois rendus à leurs causes favorites, ils seront heureux de saisir notre soupe chaude et de la jeter à notre face de Noirs, d’autant que cette soupe célèbre la libération du joug de l’esclavage, ce qui est contraire aux valeurs de la suprématie blanche. Ils seront heureux de nous faire comprendre que la ‘‘liberté’’ qu’ils réclamaient n’est pas la ‘‘liberté’’ que cherchaient nos ancêtres ».  

D’ailleurs, les membres de ce mouvement n’ont pas hésité à montrer leur vraie couleur même durant l’occupation. Certains manifestants ont agressé le personnel et un utilisateur du service de l’organisme de bienfaisance, les Bergers de l’Espoir (Shepherds of Good Hope), voué aux besoins des sans-abri et démunis d’Ottawa.  Lorsqu’un agent de sécurité (qui est membre d’une minorité visible) est allé aider, ils lui ont lancé des injures racistes. 

Soyons prudents, chers amis !Alors, pensons d’abord à nous, comme communauté. Réfléchissons avant d’agir et posons-nous des questions, de bonnes questions lorsque l’on reçoit une information. Beaucoup d’informations erronées circulent sur les réseaux sociaux et il importe de distinguer les trois différents types. La désinformation est une information qui est fausse, et la personne qui la diffuse sait qu’elle est fausse. La mésinformation est une information qui est fausse, mais la personne qui la diffuse pense qu’elle est vraie. La malinformation est une information qui est vraie, mais qui est mal utilisée ou mal interprétée afin de porter préjudice à une personne, une organisation ou un pays.

Il faut penser encore davantage lorsque les enjeux sont énormes. La «soup joumou» est une source d’une grande fierté haïtienne. La reconnaissance par l’UNESCO, qui l’a récemment classée patrimoine immatériel de l’humanité, en est une preuve et l’a propulsée davantage sur la scène internationale. Gardons-nous de poser des gestes ou actions qui pourraient tendre à profaner un si beau symbole!


Ruolz Ariste, Ph.D., is an adjunct professor at Université Laval in Québec. He is affiliated with the Department of Operations and Decision Systems. He writes opinion pieces about matters of interest to the community in Canada and the U.S. He is based in the Ottawa area.

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