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Haiti's interim Prime Minister Claude Joseph (R) and Ariel Henry, tapped by late Haitian President Jovenel Moise to be the new prime minister just days before he was assassinated, attend the official memorial services for Moise, in Port-au-Prince, Haiti July 20, 2021. REUTERS/Ricardo Arduengo

Des anciens ministres comme Claude Joseph et Rockfeller Vincent ainsi que l’ancien commissaire du gouvernement, Bedford Claude, ont rencontré le secrétaire général de l’OEA (Organisation des États Américains) à la fin de janvier 2022 pour solliciter «une réponse régionale face au blocage systématique de l’enquête par M. Ariel Henry afin d’aboutir à la vérité». Au lendemain de l’assassinat du président Moïse, l’ancien Premier ministre Laurent Lamothe a plaidé en faveur d’une enquête internationale.

Ces prises de position sont justifiées dans la mesure où les enquêtes en Haïti n’ont abouti à rien la plupart du temps. Et les rares fois qu’elles ont donné des résultats, les coupables n’ont aucunement servi leur peine à part entière. 

Les crimes de sang et les crimes financiers 

Certains soutiennent que ces interventions d’anciens hauts fonctionnaires rejoignent ma proposition —conçue bien avant l’assassinat de J. Moïse— d’impliquer la communauté internationale dans certaines enquêtes en Haïti. Je dois préciser que ce n’est pas tout à fait le cas. En effet, l’ONU a déjà pour mandat de pouvoir intervenir dans les enquêtes pour crimes de sang (par exemple: génocide, agression) dans les pays membres, via la Cour pénale internationale (CPI).

Ma proposition est d’étendre ce mandat pour les crimes financiers (comme Pétro Caribe) et de permettre à des entités non-gouvernementales —comme la société civile ou le parti politique avec le statut d’opposition officielle— de solliciter l’ONU pour démarrer ce type d’enquête. On voit bien que ma proposition contient deux parties distinctes. Les interventions de ces anciens hauts fonctionnaires vont dans le sens de la seconde partie: permettre à des entités non-gouvernementales de solliciter l’ONU/l’OEA. 

Mais est-ce qu’en général, des anciens haut fonctionnaires seraient en accord avec la première partie de ma proposition: étendre le mandat de la CPI ou de tout autre organisme de l’ONU (comme la Convention des Nations Unies contre la corruption—CNUCC) pour inclure les crimes financiers ? Quand on sait que certains d’entre eux pourraient se retrouver sur le banc des accusés, on doute que la réponse soit positive. Les crimes financiers incluent non seulement les transactions liées à la drogue et au terrorisme, mais aussi les vols d’argent du trésor public, les détournements de fonds publics et les contrats maffieux entre le secteur privé et le secteur public. Les étrangers servant comme expatriés doivent également être soumis à ces enquêtes. 

Ces deux types de crimes doivent être au même rang et bénéficier du support judiciaire international

Pour citer un concitoyen et avocat de profession: « L’impact de la corruption financière sur la vie, la santé et la sécurité d’un peuple a autant d’effets néfastes que des actes de violence sur un groupe particulier ». Par conséquent, les crimes financiers doivent avoir le même rang que les crimes de sang. 

Plus d’un pense que les Haïtiens devraient trouver leur propre solution, en utilisant notre propre système juridique. Ces gens prétendent que toute bonne solution viendra de l’intérieur d’Haïti en utilisant le système judiciaire. Les scandales et crimes financiers de Duvalier, Aristide et autres n’ont jamais fait l’objet d’enquêtes qui ont abouti et mené à des condamnations. Le procès de la Consolidation est une exception. Cependant, à la suite du verdict de 1904 de ce procès, la plupart des condamnés n’ont pas purgé leur peine ni remboursé la totalité du montant volé.

Pire encore, Cincinnatus Leconte et Tancrède Auguste, condamnés à 15 ans de prison avec travaux forcés, devenaient président de la République moins d’une décennie plus tard. Il y avait aussi le Procès des Timbres moins important en 1975 sous Baby Doc pour satisfaire les collectionneurs internationaux. Là encore, les principaux escrocs n’ont pas été révélés et les fonctionnaires qui ont été emprisonnés ont été bien indemnisés et ont été libérés tôt de leurs geôles confortables.

Nous sommes tous de fiers Haïtiens et aimerions mettre en place des solutions strictement internes. Malheureusement, ces faits montrent l’étendue de la corruption et les limites de notre système judiciaire.

Implications et propositions concrètes pour les institutions internationales et Haïtiennes

La corruption effrénée en Haïti est à la base de la misère abjecte et de la situation critique du pays. L’amélioration des conditions de vie du peuple passe nécessairement par une lutte acharnée et efficace contre la corruption. La CNUCC exige qu’un État-membre devrait initier tout processus d’enquête contre la corruption. Cependant, un État super corrompu comme Haïti ne le fera pas volontairement, d’où la non-pertinence de cette convention de l’ONU.

Revenant au cas de l’assassinat de Moïse, la protestation de la chancellerie haïtienne face à la sollicitation de l’OEA par d’anciens hauts fonctionnaires montre bien pourquoi des entités non-gouvernementales doivent être renforcées pour dénoncer des crimes (de sang ou financiers) à l’international. Le gouvernement ne le fera pas, à cause des conflits d’intérêt soit directs ou indirects dans le rang de ses membres. Si les instances internationales et les pays dits amis d’Haïti (comme la France, le Canada et les États-Unis appelés ‘Core Group’) veulent vraiment aider le pays, qu’ils entament des démarches pour modifier les lois et règlements des organes comme la CPI ou la CNUCC dans le sens de cette proposition présentée ici et dans d’autres articles

En même temps, qu’ils accompagnent les institutions Haïtiennes pour aussi réformer leurs lois, règlements et pratiques et permettre d’avoir un parti politique avec statut d’opposition officielle et qui sera doté d’un budget. Dans le même sens, la société civile devrait être plus renforcée, avec un rôle reconnu et explicite dans les politiques publiques.

Ruolz Ariste, Ph.D., is an adjunct professor at Université Laval in Québec. He is affiliated with the Department of Operations and Decision Systems. He writes opinion pieces about matters of interest to the community in Canada and the U.S. He is based in the Ottawa area.

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