La présidence haïtienne doit s’inspirer des sites de la présidence américaine, française, de la république dominicaine et de celles d’autres pays pour pouvoir construire son propre site. Depuis le 14 mai 2011, date de la prestation de serment du nouveau président, ce dernier a prononcé plus d’une vingtaine de discours et effectué bon nombre de visites à l’intérieur aussi bien qu’à l’extérieur du pays. Malheureusement, ces documents n’existent nulle part de manière organisée. Il est grand temps que nos dirigeants accordent de l’importance à l’organisation et à la conservation des archives en bonne et due forme, car un peuple qui ne construit pas ses archives est condamné à vivre dans l’oubli. Le président a, dans plusieurs de ses discours, répété qu’il faut donner une meilleure image d’Haïti aux yeux du monde entier. Ainsi, il revient à la présidence de ne plus fonctionner dans l’opacité. Par conséquent, tous les grands chantiers sur lesquels travaille la présidence doivent être disponibles sur son site avec des détails à l’appui.
Il y a bien des avantages pour la présidence à construire un tel site. Cela lui permettrait de mieux faire connaitre son programme de développement pour son quinquennat. Et en retour, des experts, dans différents domaines, pourraient émettre leurs opinions sur le programme de la présidence et la manière dont il sera mis en application. Aussi, serait-il important que les noms de tous les conseillers du président de la République figurent sur le site de la présidence avec leur tâche respective et leur domaine d’expertise. Le moment est venu que l’on passe d’une présidence au fonctionnement « chanpwèl » à une présidence éclairée. Sinon, l’autorité de l’Etat ne sera jamais respectée, car la transparence et l’autorité de l’Etat vont de pair. La construction d’un tel site permettrait aussi à tout un chacun de s’informer autant que possible sur le calendrier de travail du président.
Le Premier Ministre, les ministres et les secrétaires d’Etat doivent aussi construire ou mettre à jour le site de leur ministère. Il est d’une nécessité absolue que leur curriculum vitae soit disponible sur le site de leur ministère, ainsi que les différents projets sur lesquels ils travaillent, les noms de leurs conseillers et leur domaine d’expertise. Cette nouvelle façon de faire, je l’espère, inviterait les ministres à faire appel à des cadres compétents qui ont vraiment la volonté de faire bouger le pays de l’avant. Privilégions la compétence au « militantisme » écervelé et à la nomination des soi-disant consultants (pour services rendus durant les campagnes électorales). Que le temps des sorciers et la nuit des sorciers prennent fin en Haïti. La transparence doit être de tout bord. Le gouvernement doit rendre des comptes à ses contribuables et tous les rapports de travail du gouvernement doivent être disponibles dans les deux langues, français et créole, sur les sites nécessaires. Certes, la grande majorité des Haïtiens, ne sachant ni lire ni écrire, ne pourra pas consulter les sites de la présidence et ceux des ministères, mais les journalistes peuvent leur rapporter ce qui est écrit dans notre belle langue qui est le créole. Depuis des lustres, nos dirigeants font leur campagne électorale en créole, mais ils gouvernent en français. Que nos autorités arrêtent cette stratégie de « bakoulou » une fois qu’ils arrivent au timon des affaires, car cette stratégie frise l’hypocrisie et la discrimination, les deux cancers qui rongent notre société à une vitesse de croisière.
Il est de notre devoir de citoyen, de celles et de ceux qui savent lire et écrire, de demander au nouveau gouvernement de doter la Secrétairerie d’Etat à l’Alphabétisation (S.E.A.) de tous les moyens logistiques et financiers pour en finir avec l’analphabétisme et l’illettrisme dans ce pays. Au moment même où je rédige cet article, 90% des documents qui se trouvent sur le site de la SEA sont en français. Au nom de toutes les Haïtiennes et de tous les Haïtiens qui ne savent ni lire ni écrire, je me permets de poser cette question qui sans doute les taraude : Est-il utile d’apprendre à lire et à écrire dans ma langue (maternelle) quand tout ce qui est officiel se fait en français ? Je laisse le soin aux dirigeants de notre pays de répondre à cette question par des actions dignes d’un gouvernement responsable et non pas à la manière des sophistes. Enfin, le jour où un gouvernement haïtien se donne pour devoir de tout publier dans les deux langues, créole et français, ce sera une preuve de réconciliation linguistique entre nous-mêmes et par nous-mêmes. Et l’on peut tous dire haut et fort, le mur de Jéricho qui sépare les deux couches linguistiques antagoniques du pays depuis plus de deux siècles aura été finalement démoli.
Dans quatre ans et deux mois, pour certains c’est presque une éternité, pour d’autres, c’est demain, le peuple sera convoqué en ses comices. J’ose espérer que tous les votants qui ne savent ni lire ni écrire pour le moment seront en mesure de lire et de bien comprendre toutes les instructions qui seront affichées en créole dans les bureaux de vote aussi bien que sur les bulletins de vote. Et pour finir, j’espère que les résultats ne seront pas publiés à une heure « bizango ». C’est le moment ou jamais pour tous les partis politiques d’entamer le débat sur la nécessité de faire l’expérience du vote électronique dans les prochaines élections présidentielles. Que le meilleur gagne. Et que les perdants se comportent en bons perdants. Il est temps que l’on arrête de recourir à la communauté internationale ou à la pression des rues pour déterminer le gagnant. Cette façon de faire doit appartenir au passé. Après tout, on est un peuple. Prenons notre destin en main.
Jacques Pierre
jacquespie@gmail.com

« Du côté de chez Hugues » est heureux d’accueillir aujourd’hui un collègue et ami linguiste, M. Jacques Pierre, professeur de langue et de culture créole à Duke University. Son article est intitulé « Quelques idées pour mieux organiser la présidence » et il a été écrit sans aucun esprit de partisannerie. Néanmoins, « Du côté de chez Hugues » signale que les idées et opinions exprimées par l’auteur de l’article n’engagent que lui.

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