Contrairement à la tendance actuelle d’une certaine partie de la classe politique américaine (et même de l’opinion publique américaine) qui voudrait faire croire à l’émergence du socialisme aux États-unis avec l’élection du président Obama, j’ai défendu l’idée dans mes deux précédents articles que la politique de Barack Obama est loin d’être une politique socialiste. J’ai rappelé les idées fondamentales du projet socialiste, ses bases historiques et matérialistes (Karl Marx) et j’ai montré que la politique mise en place par le président Barack Obama et son fameux plan de relance économique ne correspond pas du tout à une politique socialiste. J’ai souligné que cette politique consistait essentiellement en une réponse à la crise économique et financière qui a pris naissance aux États-unis pour se répandre maintenant dans toutes les économies du monde.
Les conservateurs américains se méfient démesurément de l’intervention de l’État dans la vie publique car pour eux, c’est l’un des premiers pas vers une application du projet socialiste, généralement compris comme un système social fondé sur la possession commune des moyens de production et de distribution. Or, quoi qu’on dise, dans n’importe quelle société, l’État a le devoir d’intervenir quand les choses commencent à déraper. Selon Jacques Attali, « …l’État [américain] n’a pas joué son rôle. Les classes moyennes américaines ont vu leur salaire baisser depuis trente ans mais les pouvoirs publics ne sont pas intervenus – à l’inverse des Européens – pour soutenir la demande intérieure, soit par des investissements ou l’instauration de transferts sociaux. »
Alors, quelle est la vraie nature du gouvernement d’Obama et comment évaluer sa politique ? A quoi faut-il s’attendre sur le plan de la gestion économique entreprise par l’État américain ? Pour beaucoup d’économistes, la crise actuelle devrait nous ouvrir les yeux. Nous sommes entrés, disent-ils, dans une ère de transition qui préfigure un « après-capitalisme ». En quoi consistera-t-il vraiment ? En fait, le capitalisme anglo-saxon en général (Grande-Bretagne et États-unis), malgré ses prétentions à ne pas se mêler de politique, a toujours cultivé des alliances avec l’État (40% des investissements dans la Silicon Valley proviennent du gouvernement,) les deux principaux partis politiques américains sont fortement impliqués à Wall Street, deux des plus influents poids lourds économiques de l’équipe du président Obama, Larry Summers et Tim Geithner, viennent de Wall Street. Tout cela laisse supposer que l’ère de transition dans laquelle nous sommes entrés risque de continuer pendant un certain temps. En attendant, tout peut arriver. Par exemple, un échec de la politique de gestion plus ou moins modérée, plus ou moins radicale de Barack Obama, ou une reprise du pouvoir par la droite conservatrice religieuse avec à sa tête un président à la Georges Bush serait ce qu’il y a de plus catastrophique pour les États-unis.
S’il est clair que la politique du président Obama ne correspond pas du tout à une politique socialiste, peut-on dire par contre que c’est une politique social-démocrate ? Mais d’abord, qu’est-ce que la social-démocratie ? On désigne sous le nom de social-démocratie les régimes politiques socialistes du Nord de l’Europe et du Royaume-Uni. Ce qui caractérise ces régimes, c’est l’alliance qu’ils ont forgée tout au long de leur histoire avec les organisations syndicales qui militent dans la société. Les sociaux-démocrates allemands, suédois, norvégiens, danois…ont une longue tradition de négociation, ou de concertation avec les syndicats et les patrons pour régler leurs différends économiques et sociaux. Il est important d’ajouter que depuis quelque temps, par suite de problèmes tels que la poussée du chômage, l’endettement de l’État limitant ses interventions économiques, les excès de la mondialisation, la plupart des régimes sociaux-démocrates ont du reconsidérer leur programme politique. Les sociaux-démocrates européens en général se sont transformés au « social-libéralisme ». Dans cette nouvelle version de la social-démocratie, le libéralisme économique européen qui défend la libre entreprise et la réduction du rôle de l’État joue un rôle de plus en plus grand. Par exemple, en Angleterre, sous Tony Blair, l’âge de la retraite a été augmenté, il y a eu de plus en plus de réductions d’impôts chez les riches afin de les inciter à réinvestir et beaucoup de secteurs d’activité ont été privatisés.
Une autre précision qu’il est important d’apporter consiste en ceci : Le socialisme français est différent de la social-démocratie en vigueur dans les pays du nord de l’Europe. Il s’aligne beaucoup plus à gauche et s’attache encore à conserver un certain parfum de marxisme tout en étant très loin des principes directeurs du marxisme-léninisme. En fait, il semble bien que le socialisme français classique est unique en son genre.
Alors, comment qualifier le gouvernement d’Obama ? Il n’est certainement pas socialiste, et il semble encore trop tôt pour le qualifier de social-démocrate. Mon intuition de non-économiste me pousserait à dire que Barack Obama est un gestionnaire d’un capitalisme anglo-saxon transitoire. S’il réussit son passage en douceur (et il lui faudra plus d’une élection pour cela) on assistera à une nouvelle version du capitalisme qui ressemblera peut-être à un social-libéralisme à l’européenne. S’il échoue, alors ce sera la fin du capitalisme américain tel qu’on le connaît. Le problème, c’est que personne alors ne sait sur quoi il débouchera. La panique, le chaos et le K.O. ?
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