Commençons par reconnaître qu’il existe plusieurs définitions du « nationalisme ». C’est donc un terme ambigu dont on se sert dans des circonstances diverses. Il est donc important que nous précisions ce que nous entendons par « nationalisme ». Le nationalisme moderne prend ses racines dans les principes de la Révolution française et surtout du « principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ». En quelque sorte, il y a nationalisme parce que des peuples sont ou ont été assujettis et veulent acquérir leur indépendance. Quelque soit la définition qui est donnée du nationalisme, il y a toujours une idée commune qui s’y retrouve. Le nationalisme se réfère toujours à un patriotisme excessif, une glorification de l’idée nationale, la revendication d’une identité commune et nationale. Les exemples classiques de nationalisme cités le plus souvent se réfèrent soit au processus de l’unité allemande qui a été initiée par la Prusse et le Chancelier Bismarck aux dépens de la France après la guerre franco-allemande de 1870 ; soit à l’unification italienne qui s’est faite autour des années 1860 ; soit au nationalisme libérateur des anciennes colonies européennes en Afrique et en Asie durant la période de la décolonisation après la fin de la seconde guerre mondiale ; soit au nationalisme « régionaliste » des Corses et des Bretons en France, des Basques en Espagne, des Kurdes face aux Turcs, aux Iraniens ou aux Iraquiens, qui se battent soit pour l’autonomie, soit pour l’indépendance politique et administrative.

L’idéologie nationaliste peut prendre des formes particulièrement outrancières. Un bon exemple est le cas du Front national français de Jean-Marie Le Pen qui est devenu xénophobe, raciste et a reçu des tas de condamnation pour des propos outranciers. Une autre forme du nationalisme est la tendance manifestée par certains dirigeants à rassembler le peuple autour d’une idéologie faussement unitaire ou identitaire afin de le manipuler et satisfaire leurs propres intérêts. On a vu cette idéologie à l’œuvre dans le cas de Mussolini ou de Hitler au cours du 20ème siècle. En Haïti, cette idéologie a été une constante. Elle a commencé à se manifester tout de suite après l’indépendance acquise aux dépens des colonisateurs français en 2004. En fait, presque toute l’histoire d’Haïti est une manifestation d’un faux nationalisme des dirigeants haïtiens dressés soit contre un retour des Français et manipulant le peuple haïtien pour satisfaire leurs intérêts personnels ou ceux de leur clan, soit contre les « Blancs » qui soi-disant portaient atteinte aux valeurs nationales ou aux intérêts nationaux. La mascarade atteint son comble au cours des soixante dernières années avec des dirigeants tels que Dumarsais Estimé, François Duvalier ou Jean-Bertrand Aristide. Les deux premiers ont invoqué soit l’idéologie noiriste, soit l’idéologie communiste qui était à l’époque de la guerre froide le parfait prétexte pour s’attirer les faveurs du capitalisme américain. Quant au troisième, manipulateur suprême, il a su faire siennes ces deux idéologies et captiver dans un incroyable tour de passe-passe la grande majorité de la population haïtienne.

Entre-temps, les démagogues haïtiens ont fait des émules dans le domaine du nationalisme manipulateur. Parce que Haïti s’est révélé un exemple dans le domaine des mouvements nationaux qui ont abouti à la victoire sur le colonialisme, on a assisté à une récupération du cas haïtien par certains dirigeants africains qui ont mis en avant la défense des valeurs nationales et des intérêts nationaux pour conforter leur pouvoir. Robert Mugabe au Zimbabwe est l’exemple typique de l’invocation de l’idéologie nationaliste par un dirigeant africain. Jouant sur la gloire qu’il a acquise au Zimbabwe au cours des luttes qu’il a menées au cours des années 1975-1980 contre le régime rhodésien, Mugabe a transformé le Zimbabwe comme sa propriété personnelle et de l’avis de tous les observateurs l’a conduit à la ruine. Ce pays qui était autrefois si prospère ne parvient plus à se nourrir, connaît une inflation catastrophique et une émigration significative. Avec la répression sauvage qui s’est abattue sur l’opposition, Mugabe a introduit une phase nouvelle de son autoritarisme. Il veut garder le pouvoir et utilise le langage du nationalisme libérateur qui lui a réussi si bien au cours des luttes de libération nationale. On ne peut pas aller plus loin dans le domaine de la manipulation de la population pour conforter son pouvoir.

Cette réflexion critique de certains régimes anciennement colonisés n’est pas un dédouanement des anciennes puissances coloniales et de leurs actions néfastes. Ce que je veux dire, c’est que les dirigeants locaux qui ont pris le pouvoir après le départ des colonisateurs se sont montré tout aussi mauvais que ces derniers et sont largement responsables de l’état déplorable dans lequel se trouvent certains pays du « Tiers-monde ». Le nationalisme peut être un jeu dangereux. Les dirigeants haïtiens l’ont clairement illustré tout au long de l’histoire haïtienne et aujourd’hui certains dirigeants africains le confirment.

Contactez Hugues St. Fort à : Hugo274@aol.com

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