Un citoyen est un ressortissant d’un État qui jouit des droits civiques accordés par cet État et possède des devoirs envers cet État. La citoyenneté est l’un des fondements essentiels de la démocratie. Elle implique l’égalité de droits qui constitue le principe de base à l’intérieur des sociétés démocratiques modernes. Cette égalité de droits marche de pair avec l’obligation de certains devoirs comme le respect des lois, le paiement des impôts,… C’est pour le bien de la collectivité que les citoyens s’acquittent de ces devoirs. Par exemple, les impôts contribuent à bâtir ou renforcer les infrastructures de la nation, à étendre l’éducation et les soins de santé aux couches sociales défavorisées ; en respectant les lois en vigueur, les citoyens participent à la vie civique de la société.

Les spécialistes de questions institutionnelles ont tendance à distinguer trois niveaux de la citoyenneté : la citoyenneté civile qui renvoie à ce qu’on appelle les libertés fondamentales, c’est-à-dire l’égalité devant la justice, la liberté d’expression et le droit de propriété (Wikipedia) ; la citoyenneté politique qui correspond à la participation politique (le droit de vote, le droit d’éligibilité, le droit d’accéder à certaines fonctions publiques, le droit d’être protégé par cet État à l’étranger (Wikipedia) ; la citoyenneté sociale résultant de la création de droits socio-économiques (droit à la santé, droit à la protection contre le chômage, droits syndicaux). (Wikipedia).

Dans ma société d’origine (Haïti), on ne parle pas assez de l’éducation et de l’information en tant que droit. Et pourtant, tout citoyen a droit à l’éducation dans la société où il a pris naissance et l’État se doit de la mettre à sa disposition. Mais, en retour, ces droits amènent des devoirs. En effet, ce citoyen doit être capable de donner son opinion sur les grandes questions débattues dans la société (projets de loi…) et pour cela, il est nécessaire qu’il s’informe et s’éduque. L’un des drames d’Haïti réside dans l’analphabétisme ou l’illettrisme de la majorité des Haïtiens. Dans pratiquement toute démocratie digne de ce nom, l’usage de la langue maternelle fait partie des devoirs sociaux et culturels du citoyen. Imaginez par exemple une société américaine ou française dans laquelle la grande majorité des personnes ne savent ni lire ni écrire la langue (l’anglais et le français) qu’ils parlent à longueur de journée. Pourtant, c’est la situation dans laquelle se trouve la société haïtienne depuis plus de deux siècles. Tous les Haïtiens parlent et comprennent la langue créole haïtienne qui depuis 1987 coexiste avec la langue française en tant que langue officielle du pays. Mais si une faible minorité d’Haïtiens (moins de 10% selon certains chercheurs) sont en mesure de lire, d’écrire, de parler et de comprendre le français (en plus de parler et de comprendre le créole), la grande majorité ne sait pas lire et écrire le créole. Comment dans ces conditions peuvent-ils réellement faire la part des choses et comprendre vraiment les enjeux d’une élection, d’un projet de loi, d’un débat d’urgence dans la société haïtienne ? Ils constituent ainsi une proie facile pour les démagogues qui pullulent dans le milieu haïtien.

Certains diront que cela ne sert à rien d’enseigner aux Haïtiens à lire et à écrire le créole puisqu’il y a très peu de matériel écrit en créole. Depuis une bonne cinquantaine d’années qu’on répète ce vieil argument, il est temps que l’État commence à faire quelque chose. Il y a eu dans les années 1970-1980 plusieurs travaux d’écriture de matériel pédagogique entrepris par l’Institut Pédagogique National (IPN) et n’importe quel gouvernement haïtien pourrait relancer une telle entreprise. Depuis quelques années, un certain nombre de textes littéraires sont publiés en Haïti. La vérité, c’est que les classes dominantes haïtiennes continuent une attitude typiquement coloniale où l’usage de la langue détermine le statut social de l’individu. De ce point de vue, Haïti n’est pas la seule île des Caraïbes où la langue fonctionne comme un marqueur social. Dans toutes les îles où une langue créole coexiste avec une langue européenne (le plus souvent, l’anglais ou le français), cette langue créole est minorisée, infériorisée par cette langue européenne. On dit d’elle qu’elle n’a pas de grammaire, pas d’orthographe ou qu’elle est un « dialecte » (dans le sens populaire péjoratif du terme) de la langue européenne. Par exemple, en Jamaïque, la langue créole locale est connue sous le nom de « patois » ; en Haïti, malgré tous les progrès qui ont été accomplis dans la progression sociolinguistique de la langue créole, beaucoup d’Haïtiens persistent à dire que le créole haïtien n’est pas une langue.

Trop d’Haïtiens pensent que parler du créole revient à une gigantesque perte de temps et qu’il ne peut que nous conduire dans un stupide isolement. Selon eux, l’État haïtien doit au contraire renforcer l’enseignement du français ou même adopter l’anglais comme langue officielle du pays. S’il est vrai qu’il est de l’intérêt des Haïtiens de s’accrocher à une grande langue internationale (le français, à mon avis, pour des raisons évidentes) pour se représenter dans les grandes instances internationales, il est tout aussi vrai que dans l’intérêt d’un développement local réussi, Haïti ne peut se passer de la langue créole à cause de l’importance de la langue maternelle dans le développement social, culturel et psychologique de l’individu.

A quoi ressemblons-nous en tant que société où la majorité des citoyens ne savent pas lire et écrire leur langue maternelle – certains le proclament sans honte, haut et fort – alors que des étrangers lisent et écrivent couramment notre langue ? Mais dans quelle mesure la notion de citoyenneté a-t-elle un sens en Haïti ?

Contactez Hugues St. Fort à : Hugo274@aol.com

Leave a comment

Your email address will not be published. Required fields are marked *